homme de fer

Publié le par Union Sportive Giromagny VTT

 

Anthony Philippe sur le championnat du monde, l’Ironman d’Hawaï en 2010. Il finira vice-champion du Monde des plus de 40 ans. Photo D.R.

Huit fois qualifié pour Hawaï, sur l’Ironman (homme de fer), épreuve reine du triathlon, Anthony Philippe s’est hissé jusqu’au titre de vice-champion du monde des plus de 40 ans. Rencontre avec cet enseignant de l‘UT Belfort- Montbéliard, agrégé de mécanique, et loin de les rouler… les mécaniques.

Anthony, vous sentez-vous égoïste en vous donnant autant de temps pour votre passion ?

Parfois, je me le dis. Mais j’avoue que j’ai deux enfants de 10 et 6 ans et que je n’ai jamais empêché mon fils de faire quelque chose parce que je m’entraînais. J’essaie toujours d’adapter. Parfois, c’est tendu à une ou deux minutes près (rires). Et puis, nous partageons beaucoup de choses en famille. Ma femme est venue six fois sur les huit qualifications à Hawaï, mes enfants une fois même si ce n’est pas évident financièrement. Je sais que si tout cela ne se partageait pas, cela ne pourrait pas durer. Je l’aurais fait une ou deux saisons et madame serait partie, comme c‘est le cas pour, je ne sais combien de triathlètes que je connais. Il y a des gars obsédés par ça, leur triathlon, et l’obsession, hélas, devient une tare.

Ne faut-il pas une vraie organisation dans son quotidien entre votre travail d‘enseignant à l’UTBM et cette vie de triathlète ?

Forcément. Mais j’avoue passer d’un monde à l’autre sans problème. Je ne vais pas bosser à reculons et je me sens bien dans ma peau d’enseignant (N.D.L.R. : Il est ingénieur agrégé en mécanique) et dans celle de sportif. Le plus difficile, c’est justement de quitter un monde pour entrer dans l’autre. Je m’enrichi énormément dans mon travail. Il n’y a pas de routine. Je suis constamment en contact avec la jeunesse et le monde de l’entreprise, et ça, ça me plaît. C’est valorisant même s’il faut du jus pour mener travail et sport de front.

Le triathlète longue distance comme vous, est souvent seul. Cela correspond-il à votre personnalité, un besoin, cette forme de solitude ?

Dans l’effort qui est demandé, c’est vrai, nous ne sommes pas en équipe. On a l’habitude d’être seul sur une course. Mais je suis davantage seul, par choix de passer du temps avec ma famille, que par la recherche de cette solitude. Je ne vais pas nager le soir en club, je roule plutôt le matin alors que mes potes partent l’après-midi. Bref, j’ai toujours ce souci d’accorder du temps et de la présence aux miens ce qui m’oblige à avoir un emploi du temps qui ne correspond pas toujours avec les gens avec lesquels je pourrais m’entraîner. C’est évident qu’il est plus facile de pratiquer ce sport quand on est célibataire.

Le regard des gens, extérieurs à ce sport, est souvent plein d‘interrogations. Pourquoi ce sport, cette souffrance parfois etc. Qui répondez-vous ?

Je l’entends souvent, c’est vrai : pourquoi faites-vous ça ? Et l’alpiniste, pourquoi va-t-il monter sur ce bout de rocher ? J’ai lu et, ô combien apprécié, un livre de Lionel Terray (l’un des plus grands alpinistes français mort à 44 ans dans le Vercors) « les conquérants de l’inutile ». He bien voilà, la définition, c’est ça : ça ne sert à rien mais cela représente tout ! Quand vous avez bien « tourné » sur un Ironman, vous atteignez quelque chose d’indéfinissable au niveau de l’accomplissement personnel. C’est valable pour beaucoup de choses. La musique, par exemple. Des gens passent des heures à faire des gammes sur un piano, seuls chez eux, pour réussir à bien jouer un morceau. C’est pareil.

Ce qui interpelle les gens, c’est qu’on a souvent vu des triathlètes souffrir et s’écrouler, voire plus à l’arrivée.

Mais n’importe quel cyclo qui va monter le Ballon d‘Alsace, le dimanche à 11 km/h va se mettre plus minable que nous dans une course que l’on gère. Nous ne sommes pas des masochistes. La souffrance est là, parfois, mais on ne la recherche pas, ce n’est pas le but. Par moments, on a mal aux jambes, ou ailleurs, on est moins bien, mais, globalement, on a de la satisfaction. Et puis, on n’a rien sans rien.

Le triathlon a cherché à se médiatiser en se déclinant sur différentes distances. Mais l’essence même de ce sport ne reste-elle pas l’Ironman ?

On a vu une superbe course aux J.O, sur les championnats du monde, mais le triathlon, « la » course, c’est l’Ironman, et plus particulièrement Hawaï. Cela ne retire en rien aux qualités des champions des autres distances mais tous les pros sont à Hawaï. C’est là que tout a commencé. C’est cette course qui tire le triahtlon. C’est là qu’il faut être. Un Ironman est une course avec de longues distances mais sur laquelle tu te bats pendant 9h, tu te bagarres vraiment. Ça va vite. Sur le marathon, les meilleurs se déchirent ! Après, il faut dissocier le courte distance, avec le drafting (N.D.L.R. : le droit de se mettre dans le sillage du coureur précédent), les grands prix, de l’Ironman. Ce sont deux choses différentes.

Vous avez les yeux qui s’illuminent à chaque fois que vous prononcez Hawaï.

Ah oui (rires). Forcément. Le mythe est né là-bas. Quand j’y suis allé pour la première fois en 2001, j’ai trouvé ça é-nor-me. Il y a la course mais toute la semaine à passer là-bas. Vous allez vous entraîner, c’est noir de monde. Quand vous y avez goûté une fois… waaahou ! En France, on évoque Embrun, une superbe course avec la montagne mais disons que c’est plus artisanal. Hawaï, ce n’est pas pareil. Il y a le vent, la chaleur et cet état d’esprit à l’américaine, cette folie, avec des ravitaillements de plus de 200m de long, des centaines et des centaines de bénévoles, des milliers de spectateurs. C’est noir de monde. Je n’y suis pas allé cette année mais j’ai tout suivi sur le net, toute la nuit, minute par minute. L’année prochaine, j’y serai à nouveau… si je me qualifie.

C’est là, à Hawaï surtout, que vous est devenu vice-champion du monde des plus de 40 ans. Le sommet de votre carrière ?

Bien sûr. Monter sur un podium à Hawaï, c’est quelque chose. Y devenir vice-champion du monde… J’avais déjà fait de meilleures places au scratch (N.D.L.R. : 62e en 2006). Mais se retrouver sur le podium devant des milliers de gens, c’est vrai, c’est le sommet de ma carrière.

À Embrun, entre autres, qui est considéré comme l’un des Ironman les plus durs au monde, vous avez terminé 5e en 2007 au milieu des pros. L’idée d’embrasser une carrière ne vous a-t-elle pas effleuré ?

Pas du tout. Il y a une différence entre se glisser au milieu des pros de manière ponctuelle et passer pro. Plutôt que de vivoter, je préfère mon statut actuel. Et puis, cela fait 23 ans que je pratique le triathlon et je me dis que je n’ai pas le niveau pour être pro. Un Français, Trevor Delsaut, que je connais bien, a été sacré champion du monde amateurs à Hawaï en 2010 en battant le record amateur. Il est passé pro mais il rame…

En février 2008, vous avez été victime d’un accident de ski qui a failli vous laissez paraplégique. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

J’ai encore les doigts qui me démangent. Ce sont des séquelles neurologiques. J’ai fait une chute à skis et j’ai eu une fissure de la 5e cervicale avec une compression de la moelle épinière. Si cela avait été une des quatre premières cervicales, je serais mort. Je n’ai pas de souvenirs, si ce n’est le transport en hélicoptère. Je ne supportais même plus un drap sur les bras et les mains. Je ne pouvais pas manger tout seul… Je me suis remis assez vite, plus vite que ce que pensaient les médecins. C’est souvent le cas des sportifs de haut niveau. En fait, l’entraînement est une agression pour le corps, doit être une agression. Si vous faites du jogging à 11 km/h, même en courant souvent, vous ne progresserez pas. Il faut donc aller plus loin pour obliger le corps à réagir, à s’habituer. Le corps des sportifs est donc habitué à l’agression. Mais je peux vous dire que durant cette période, le sport ne m’a pas manqué. J’étais dans une autre démarche, le souci de reprendre une vie normale, ne plus avoir mal. Aujourd’hui, j’ai pris du recul. Quand je suis dans une descente à vélo, je me dis que j’ai des enfants… Avant, je filais sans penser à rien.

L’Ironman est la plus longue distance d’une épreuve de Triathlon. Elle consiste à enchaîner 3,8 km à la nage, 180 km en vélo et 42,195 km en course à pied, soit un marathon. Le concept d’Ironman est né à Hawaï en 1977 grâce à John Collins, un commandant de la Navy. Ironman signifie « homme de fer »

 

Publié dans club

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